La publication d’une star ou d’un influenceur appelant à voter pour un candidat le jour des élections municipales est-elle préjudiciable ?
Pour mémoire, l'article L49 du code électoral dispose que :
"A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de :
1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ;
2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ;
3° Procéder, par un système automatisé ou non, à l'appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ;
4° Tenir une réunion électorale."
Dès lors, la publication, le jour du scrutin, d’une photo par un joueur de football très (très) connu avec le maire sortant, assorti de la mention « a voté », est-elle susceptible d’affecter la sincérité du scrutin ? Quid d’une vidéo postée par une influenceuse sur Instagram appelant à voter pour le maire sortant le jour du scrutin ? Le nombre d’abonnés change-t-il quelque chose ?
Non, selon le Conseil d’État ! Et pourtant on parle de 14,9 millions d’abonnés pour l’un… et de 2 millions pour l’autre.
L’analyse du Conseil d’État s’effectue en plusieurs temps :
- Il analyse le contenu de la publication : est-ce uniquement une photo ? Est-elle assortie d’un message ? Le message est-il argumenté ?
- Il s’interroge : le soutien tardif est-il nouveau ?
- Il apprécie également s’il est établi que les abonnés nombreux incluraient une part significative du corps électoral de la commune ?
Au terme de cette analyse, il a jugé dans le cas étudié que le soutien apporté par des publications diffusées tardivement auprès d’abonnés nombreux ne peut être regardé comme ayant affecté la sincérité du scrutin :
« 13. M. A soutient toutefois, d’une part, que des publications sur les réseaux sociaux appelant à voter pour Mme G effectuées par le joueur de football Kylian B et « l’influenceuse » Sarah C le jour du scrutin ont également affecté, en sens inverse, la sincérité de ce dernier. Toutefois, il résulte de l’instruction que le message de M. B sur le réseau social Twitter se limitait à une photographie prise dans le bureau de vote avec la maire sortante, tous deux portant un masque, assortie de la mention « a voté », et que les vidéos postées par Mme C font seulement état, en termes non argumentés, de son soutien personnel à Mme G, dont il n’est pas soutenu, au demeurant, qu’il serait nouveau. Dans ces conditions, ces publications, diffusées tardivement et auprès d’abonnés nombreux mais dont il n’est pas établi qu’ils incluraient une part significative du corps électoral de Bondy, ne peuvent être regardées comme ayant affecté la sincérité du scrutin. » (CE, 3e ch., 22 nov. 2021, n° 450598)
Ce raisonnement me semble, à titre personnel, contestable. D’une part, parce que les réseaux sociaux sont devenus la source n°1 d’information des jeunes dont la participation aux élections, nous le savons, est relativement faible (précisons que l’abstention toutes catégories d’âge confondues dans cette ville aurait été de 63,71% au second tour). Et d’autre part, parce que le Conseil d’État me semble avoir sous-estimé l’influence que peuvent avoir ces personnalités auprès des jeunes de la commune dans laquelle ils sont nés et ont grandi qui les considèrent comme des modèles.

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