MUNICIPALES 2026 #16 : Financement de campagne électorale : le prêt à un candidat consenti par une personne physique

Candidats aux élections municipales de mars 2026 ? Retrouvez chaque mercredi un article de droit électoral écrit par Mathilde Haas, avocat en droit électoral, en vue du prochain scrutin.

· Droit électoral

Selon le rapport d’activité de la CNCCFP de 2021, « lors des élections municipales de 2020, le montant total des emprunts contractés par les candidats auprès de personnes physiques s’est élevé à 4,9 millions d’euros ». La commission note qu’un an après ses décisions, à peine 10% des candidats « s’étaient acquittés de leurs obligations de justification du remboursement des prêts contractés ». Dans quelles conditions une personne physique peut-elle consentir un prêt à un candidat ? Quels sont les plafonds, les taux et autres obligations ?

Une personne physique peut-elle consentir un prêt à un candidat ?

Oui ! L’article L52-7-1 du code électoral l’autorise sous conditions.

Quelles sont les conditions ?

  • Les prêts ne doivent pas être effectués à titre habituel ;
  • La durée des prêts ne peut pas excéder 5 ans selon l’article L52-7-1 du code électoral pour les prêts consentis à un taux d’intérêt supérieur au taux légal et 18 mois selon l’article R39-2-1 pour les prêts consentis à un taux d’intérêt compris entre zéro et le taux légal. (Sur ce point : voir la décision Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 26 juillet 2018, n°418573 : jugeant que la limite de 18 mois ne s’applique que pour les prêts consentis à un taux d’intérêt compris entre zéro et le taux légal en vigueur au moment du consentement des prêts, ceux consentis à un taux supérieur seraient limités à 5 ans) ;
  • Le candidat bénéficiaire du prêt doit fournir au prêteur les informations concernant les caractéristiques du prêt s'agissant du taux d'intérêt applicable, du montant total du prêt, de sa durée ainsi que de ses modalités et de ses conditions de remboursement ;
  • Le candidat bénéficiaire du prêt doit informer le prêteur des conséquences liées à la défaillance de l'emprunteur.

Qu’est-ce qu’un prêt effectué à titre habituel ?

L'appréciation du caractère « habituel » du prêt relève du pouvoir souverain des juges du fond. C’est ce que rappelle le ministère de l’Intérieur dans sa réponse à une question parlementaire posée en 2020 par Jean-Louis Masson, sénateur de la Moselle.

Il ajoute que « le juge cherche ainsi à déterminer si les prêteurs se constituent une clientèle et se présentent comme des professionnels auprès des différents emprunteurs. À la lumière de ces éléments, le fait pour une personne physique de consentir des prêts à un même candidat sur plusieurs années n'entraînera pas nécessairement la caractérisation de ses prêts en prêts habituels. Dans une décision du 3 décembre 2002, la Cour de cassation a ainsi considéré que « le fait pour une personne non agréée de consentir à titre habituel sur la période comprise entre le 20 février 1975 et le 19 janvier 1984 neuf prêts successifs contenant la remise de fonds à titre onéreux à la disposition d'un même client est insuffisant pour caractériser le caractère habituel des opérations de banques effectuées (Cour de Cassation, chambre commerciale, du 3 décembre 2002, 00-16.957). »

N.B : la copie du contrat de prêt doit être communiquée à la CNCCFP lors du dépôt du compte de campagne.

Le montant du prêt est-il plafonné ?

Un décret en Conseil d'Etat fixe le plafond et les conditions d'encadrement du prêt consenti pour garantir que ce prêt ne constitue pas un don déguisé.

Le montant doit nécessairement être inférieur ou égal à 47,5 % du plafond de remboursement forfaitaire des dépenses de campagne mentionné à l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Quid du remboursement ?

Le candidat adresse chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques un état du remboursement du prêt.

Quelle est la sanction pénale en cas de méconnaissance de ces règles ?

Le candidat qui a accepté un prêt en violation des dispositions de l’article L52-7-1 du code électoral est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende (article L113-1 du code électoral).

La personne qui a consenti le prêt risque la même peine (article L113-1 du code électoral).

Quel est le taux d’intérêt du prêt ?

Il est compris entre 0 et le taux d’intérêt légal en vigueur au moment où le prêt est consenti (article R39-2-1 du code électoral) pour les prêts d’une durée de 18 mois. Le taux d’intérêt légal est celui applicable aux créances des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels.

Le Conseil d’Etat semble juger que le législateur a laissé la possibilité de fixer un taux supérieur pour les prêts dont la durée est comprise entre 18 mois et 5 ans (Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 26 juillet 2018, n°418573).

Existe-t-il une limite du nombre de prêts ?

La limite n’est pas fixée en terme de nombre de prêts mais concerne le montant total dû par le candidat à des personnes physiques qui doit être inférieur ou égal au plafond de remboursement forfaitaire (47,5%) des dépenses de campagne mentionné à l'article L. 52-11-1 du code électoral (Article R39-2-1).

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